Les enjeux environnementaux et sociaux liés au système agroalimentaire sont majeurs. D’ailleurs, les acteurs du changement dans ce domaine sont nombreux et ont besoin de professionnels aux profils variés pour bâtir un modèle plus vertueux. Pour rendre les choses concrètes, nous avons échangé avec deux structures engagées dans la production et la distribution alimentaire qui présentent leur modèle et les métiers pour lesquels elles recrutent.
Les enjeux environnementaux du système agroalimentaire
Agriculture : victime et coupable du réchauffement climatique
Le secteur agricole est dans une situation paradoxale. C’est à la fois un des secteurs les plus menacés par le réchauffement climatique, et un de ceux qui y contribuent le plus.
Sans surprise, l’agriculture est très sensible aux aléas climatiques. Et d’autant plus avec les méthodes actuelles comme la monoculture qui nécessitent un climat stable pour fournir une production satisfaisante.
Or les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient et menacent directement la souveraineté alimentaire mondiale : sécheresse, désertification, salinisation des terres, inondations, prolifération de parasites, variations climatiques imprévisibles…
En même temps, l’agriculture contribue largement à l’émission de gaz à effet de serre. En France, celle-ci représente 19% des émissions de CO2, soit autant que le secteur industriel selon le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Au niveau mondial, agriculture et déforestation sont responsables d’un quart des émissions de GES, selon le rapport du GIEC de 2014.
L’élevage de ruminants, l’utilisation d’engrais azotés ainsi que certaines techniques de culture génèrent notamment de grandes quantités de méthane et de protoxyde d’azote. Sans compter que la conversion de zones forestières en terres agricoles aggrave également la déforestation.
Autre problématique importante : l’utilisation massive d’intrants chimiques depuis plusieurs décennies. Cela participe à la fois à un appauvrissement des sols, à la pollution des sols et de l’air, à la dégradation de la biodiversité, et menace directement la santé humaine, à commencer par les agriculteurs.
Notre système agroalimentaire français est donc assez peu soutenable, fondé sur une agriculture et un élevage intensif, le recours intensif à la chimie et l’usage massif en eau. La France reste par exemple le premier utilisateur de pesticides chimiques en Europe, et le 4e au niveau mondial.
Le secteur de la distribution agroalimentaire : des efforts à faire en termes d’emballage et de logistique
En aval, le système de distribution des produits agricoles et des aliments manufacturés a encore du chemin à faire, notamment pour favoriser les circuits courts et de proximité. Nous sommes le pays qui possède le plus grand nombre d’hypermarchés par habitant dans le monde.
D’ailleurs, savez-vous faire la différence entre circuits courts et de proximité ? Les deux n’ont pas tout à fait les mêmes impacts :
- Circuit court : il n’y a qu’un intermédiaire maximum entre le producteur et le consommateur final, ce qui permet d’assurer une juste rémunération des producteurs.
- Circuit de proximité : faible distance géographique entre le lieu de production et le lieu de vente d’un produit, ce qui permet de limiter l’impact des transports et donc les GES émis.
Par ailleurs, l’utilisation massive des emballages (plastiques, pas toujours recyclables, à usage unique…) contribue à la pollution des sols et des océans. Même si la législation française évolue sur le sujet, cela reste un enjeu majeur.
Vers un système agroalimentaire plus responsable : des acteurs nombreux et qui recrutent
Opérer une transition écologique du système agroalimentaire passe par le développement :
- D’une production respectueuse des sols et des humains qui favorise une nourriture de qualité, des sols en mesure de se régénérer et la diversité des espèces cultivées. Cela passe par l’agroécologie, qui regroupe notamment l’agriculture biologique et la permaculture.
- D’un système de distribution qui renforce les circuits courts et de proximité, mais aussi le vrac pour réduire l’utilisation des emballages
Depuis des décennies, de nombreux acteurs de la transition écologique et solidaire œuvrent pour faire bouger les lignes dans ce domaine : Terres de Liens, une association qui facilite l’accès des paysans à la terre et développe l’agriculture biologique, le Drive tout nu, supermarché zéro déchet en ligne, le Réseau Vrac, les épiceries sociales et solidaires, les acteurs de la lutte contre le gaspillage alimentaire, les jardins familiaux, etc.
Concernés par les enjeux environnementaux du secteur, ils les rendent aussi indissociables d’une préoccupation de justice sociale, en luttant contre les inégalités d’accès à ce modèle agricole vertueux.
En fort développement, elles profitent de l’essor du marché du bio et du vrac, ils proposent une palette de métiers variés. Si manger sain, local, bio et de façon juste pour les producteurs est une cause qui vous touche, ce sont des structures qui recrutent !
Nous avons échangé avec deux d’entre elles, à la fois précurseurs (elles sont nées dans les années 90) et présentes sur tout le territoire français : les réseaux Cocagne et Biocoop.
Biocoop et Jardins de Cocagne : exemples de métiers chez des acteurs engagés du système agroalimentaire
Les Jardins de Cocagne : quand maraîchage rime avec insertion
Le Réseau Cocagne est une structure associative qui propose des chantiers d’insertion aux personnes éloignées du marché du travail et qui utilise l’agriculture biologique comme support d’insertion. En 2022, il existe 102 Jardins de Cocagne en France qui distribuent 1 400 points de vente.
Ce sont des fermes biologiques qui pratiquent le maraîchage diversifié. Les légumes sont donc produits par des salariés en parcours d’insertion puis distribués sous forme de paniers à des consommateurs qui souhaitent soutenir la démarche et profiter d’une alimentation saine. Des prix solidaires sont proposés pour rendre accessible les paniers bio au plus grand nombre.
Ici, le maraîchage n’est pas seulement un moyen de production alimentaire vertueux. Il permet aussi à des personnes en insertion de se reconnecter à la terre, au rythme des saisons, en retrouvant un travail avec un salaire qui sécurise leur quotidien.
Le réseau s’adapte également aux besoins des territoires. Ainsi, les activités se sont diversifiées au fil du temps, avec l’apparition d’ateliers de transformation, des conserveries ainsi que des plateformes logistiques.
Cela représente 4 800 salariés en parcours d’insertion chaque année et 800 salariés permanents ! 15 personnes travaillent au siège social situé à Vauhallan dans l’Essonne et il existe des bureaux à Paris (en plus des Jardins présents sur l’ensemble du territoire).
Travailler dans un Jardin de Cocagne : les métiers qui recrutent
Chef.fe de production agricole : c’est un agriculteur salarié du jardin qui conduit et planifie l’ensemble des cultures, gère les équipements (irrigation, montage de serre, etc.).
Animateur.rice de réseau d’adhérents : cette personne gère la commercialisation des produits et l’abonnement aux paniers. C’est elle qui est en lien avec les consommateurs, qui sont aussi des adhérents et parfois même des bénévoles. Il s’agit donc de faire vivre ce réseau.
Encadrant.e technique : il ou elle encadre les salariés en insertion pour mettre en pratique les directives du chef.fe de production. C’est un profil très particulier, qui doit avoir à la fois une expertise du maraîchage bio, mais aussi des compétences de management, de relations humaines et d’écoute.
Conseiller.e en insertion professionnelle (ASP CIP) : les salariés en insertion sont accompagnés dans la construction de leur projet professionnel par une personne qui réalise les démarches administratives nécessaires. Pour lever les freins à l’emploi, elle travaille en lien avec les entreprises du territoire, propose des formations et recherche des financements pour cela.
Chargé.e de développement de projets : tous les jardins ne se consacrent pas uniquement à la commercialisation de leurs paniers. Il s’agit donc de développer d’autres activités autour de la restauration collective ou la vente de légumes venant de producteurs partenaires par exemple.
Directeur de jardin : un poste lié au développement de proje, à la gestion et au montage de projet associatif.
La structure nationale regroupe notamment des fonctions d’animation de réseau associatif, de communication et de partenariats.
Voir les offres d’emploi : http://www.reseaucocagne.asso.fr/offres/
Biocoop : le système coopératif au service de la distribution
Biocoop est le leader de la distribution alimentaire biologique. Plus qu’un réseau de distribution, c’est avant tout un projet coopératif qui agit pour une agriculture biologique durable et pour un commerce équitable.
Les magasins sont des structures indépendantes qui adhèrent à Biocoop SA, un réseau à statut coopératif. Ils sont soumis à un cahier des charges avec des critères sociaux et écologiques exigeants : pas d’OGM, un approvisionnement 100% bio, pas de serres chauffées, pas de transport en avion, pas d’eau en bouteille plastique, etc.
On compte 3 000 salariés dans les 700 magasins implantés partout en France. Ils sont 1 200 à travailler au niveau de Biocoop SA, répartis entre le siège social à Paris et 4 plateformes situées à Agen, Avignon, Rennes et en région parisienne.
Au-delà de la distribution, Biocoop travaille en partenariat avec les producteurs pour favoriser l’agriculture biologique locale en :
- relocalisant les filières de production sur le territoire français (le maïs de consommation ou la moutarde par exemple)
- développant la culture de légumes moins habituels (comme la lentille corail)
- essayant de limiter l’import aux produits impossibles à produire sur le territoire métropolitain (café, chocolat, sucre, etc.)
La force du réseau coopératif permet ainsi de peser dans le paysage de l’agroalimentaire. Biocoop représente ainsi en France 12% du marché bio, 19% des ventes en vrac et 20% des ventes du commerce équitable.
Travailler chez Biocoop : les métiers qui recrutent
Employé.e polyvalent.e : manutention, mise en rayon, gestion des commandes et des stocks, conseil client et caisse, travailler en magasin demande une vraie polyvalence.
Métiers de bouche : les magasins les plus grands recrutent des bouchers, des poissonniers, des traiteurs, et les métiers se spécialisent aussi par rayons : cosmétiques et compléments alimentaires, fruits et légumes, épicerie vrac, ultra frais.
Fonctions supports : le siège social de la structure nationale (et de certaines antennes régionales) requiert des fonctions “classiques” : RH, comptable, communication, marketing, développement des partenariats, informatique et web.
Métiers en logistique et transport : les plateformes logistiques ainsi que la société de transport de la coopérative demandent de nombreux effectifs.
Métiers liés aux certifications : la gestion des nombreux labels et certifications des produits (bio, commerce équitable, etc.) nécessite des personnes formées à ces sujets
Voir les offres d’emploi : https://www.biocoop.fr/Biocoop/recrutement/nos-offres-d-emplois
Vous avez la fibre entrepreneuriale ? Les commerçants du réseau Biocoop ont des profils variés : issus de la distribution déçus de leur métier qui souhaitent être plus en phase avec leurs valeurs ou bien des personnes issues de secteurs complètement différents.
Biocoop accompagne les porteurs de projet qui souhaite créer un magasin et rejoindre le réseau : https://www.biocoop.fr/magasins-bio/creer-mon-magasin-Biocoop
Le Réseau Cocagne, aux côtés de 8 autres organisations agissant au quotidien pour un monde plus durable et plus inclusif, est à l’origine du lancement d’un organisme de formation Travail & TransitionS, certifié Qualiopi et s’adressant aux personnes en quête d’un travail qui a du sens dans le domaine de la transition écologique et solidaire.
L’objectif est de construire les compétences nécessaires à l’activité d’aujourd’hui et appréhender les enjeux de demain : adopter une posture adaptée au secteur de l’écologie et du social, développer la coopération, appréhender les besoins des territoires, etc.
Merci à Séverine Lebreton, PDG de la SCIC le Poitou Vert BioCoop en Poitou Charente et membre d’administration de Biocoop SA, et Angélique Piteau, chargée de plaidoyer et communication au sein du Réseau Cocagne, pour leur précieuse contribution.