Bertrand, entrepreneur bas carbone

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Afin de vous aider à trouver le job de sens qui est fait pour vous, des heureux travailleurs ont gentiment accepté de partager un bout de leur histoire…

Qui es-tu ?

“Je m’appelle Bertrand, je vis à Pontivy en Bretagne avec ma famille et je suis le fondateur de Bee Impact. Créée en 2021, Bee Impact est une entreprise qui réalise des bilans carbone et accompagne les entreprises dans leur stratégie bas carbone .”

Quel est ton parcours ? 

“J’ai fini mes études d’ingénieur il y a 15 ans et j’ai travaillé dans le nord de la France pendant 7 ans dans l’industrie mécanique. Je fabriquais de la robinetterie industrielle pour le pétrole et le nucléaire. 

J’ai eu l’opportunité de partir au Québec avec ma famille pour travailler. J’ai eu un poste dans une raffinerie de pétrole pour faire de l’ingénierie et fabriquer de nouveaux moyens de production. 

Après 5 très belles années  là-bas, nous sommes rentrés en France parce que ma femme voulait changer de travail. Ce fût un gros dilemme de changer de vie à nouveau avec les enfants, mais nous l’avons fait.

De retour en France, nous nous sommes installés en Bretagne pour retrouver le côté nature du Québec.  J’étais un peu en burn out parental. J’avais du mal à gérer mes enfants et j’ai complétement délégué ce rôle à ma femme. Je passais beaucoup de temps à regarder des vidéos et c’est à ce moment-là que j’ai eu ma “claque écolo” Jean-Marc Jancovici.

J’étais en quête d’un poste similaire à celui que j’avais au Québec, mais j’avais du mal à trouver. Alors que j’étais en pleine prise de conscience environnementale, je commençais à réaliser que je n’allais pas dans la bonne direction pour m’épanouir. Je ne voulais plus d’un boulot 40 heures par semaine derrière un ordinateur comme tout le monde. 

Ma belle-sœur m’a parlé de Mon Job de Sens. Ça a vraiment été une révélation. Je savais depuis longtemps que je pouvais être entrepreneur, mais les différents ateliers du parcours m’ont ouvert les yeux sur le fait que c’était le bon chemin pour moi pour être responsable et autonome.”

Comment t’es tu lancé à ton compte ?

“A l’issue de la formation Mon Job de Sens, je savais que je serai autoentrepreneur et que je fabriquerai moi-même mon travail. Ironiquement, le premier mois où je me suis mis à mon compte, j’ai reçu deux offres de CDI. C’était exactement le type d’offres que je recherchais à mon retour du Québec. Mon entourage m’encourageait à accepter pour la sécurité du salaire.  Mais grâce au travail que j’ai réalisé sur moi-même, je savais que ce n’était plus le type de métier qui me correspondait. Avec ma famille, nous étions aussi dans cette dynamique de “gagner moins mais vivre mieux”. J’ai donc pris la décision de refuser ces offres et poursuivre mon projet de création d’entreprise. 

J’ai réalisé mes premiers bilans carbone sans être formé. J’utilisais une solution en ligne pour réaliser mon diagnostic auprès des entreprises en tant que consultant externe pour les aider dans la première démarche. J’ai donc pu me former tout seul. Finalement, au bout de la première année, j’ai pu me rémunérer autant que si j’avais été en CDI.”

Quel est ton modèle économique ?

“Mon modèle économique actuel consiste à proposer des prestations payantes de stratégie bas carbone entreprise. Je voudrais évoluer vers la performance globale pour amener les entreprises vers la prise  en compte des enjeux environnementaux et sociaux dans leurs indicateurs de performance.J’ai des missions qui me rémunèrent et d’autres non. J’aide par exemple bénévolement des associations locales qui souhaitent diminuer leur empreinte carbone. J’ai également rejoint le Shift Project ainsi que le CJD (Centre des Jeunes Dirigeants), avec qui je travaille pour proposer des outils à travers l’association. C’est très gratifiant et impactant. Si j’arrive à facturer la moitié de mes jours et donner l’autre moitié à la communauté, je suis satisfait. Je suis très heureux de cette évolution ! »

Quels intérêts pour une entreprise de réaliser un bilan carbone ?

“Le bilan carbone est la première brique d’une démarche RSE. Il consiste à répertorier tous les flux physiques d’énergie et de matière qu’une entreprise utilise. En multipliant ces flux par un facteur d’émissions de gaz à effets de serre, on obtient un bilan carbone, en tonnes de CO₂. Cela permet à l’entreprise de lister les ressources (carton, acier, etc.) dont elle a besoin pour réaliser ses activités et, à partir de là, connaître l’impact qu’elle a sur la planète. Le fait de convertir des quantités de matière en quantités d’émissions de CO₂ est utile pour prendre conscience du niveau de dépendance que l’entreprise a envers les énergies fossiles et toutes les autres ressources.

Même les entreprises du numérique possèdent des flux de matières. Ils sont juste moins visibles car ils sont sous traités. Mais c’est sûr que ce qui est intangible est toujours plus difficile à compter.

En réalité, le bilan carbone constitue la première étape vers la création d’autres indicateurs par la suite. Ces nouveaux indicateurs devraient amener les structures à traiter d’autres sujets, par exemple comment conserver son capital humain et environnemental pour continuer à fonctionner. Ça m’a moi-même amené à m’intéresser au  modèle CARE (Comptabilité Adapté Renouvellement de l’Environnement) pour justement prendre en compte tous les aspects environnementaux et humains dont l’entreprise a besoin et les ajouter sous forme comptable au bilan de l’entreprise. Je pense que c’est l’avenir des entreprises qui sont engagées.”

Comment les entreprises appréhendent-elles la nécessité de réaliser un bilan carbone ?

“Je n’ai jamais été contacté par les entreprises, c’est toujours moi qui les ai démarchées, en m’appuyant sur le réseau. Une fois, j’ai trouvé un client via un post LinkedIn dans lequel il indiquait “La prochaine étape, c’est de faire un bilan carbone”. J’ai répondu en lui proposant de le réaliser. Sinon, je me suis forgé un réseau de contacts anciens et récents. 

Je touche les entreprises par la sensibilisation, en les interpellant avec des questions comme : votre activité va-t-elle survivre s’il y a 30% de pétrole en moins d’ici 2030 ? Les entreprises ne savent pas répondre à cette question et elles ont besoin d’aide pour cela. Certaines sont plus prêtes que d’autres. J’ai vu des chefs d’entreprise qui s’en fichent, qui n’ont pas du tout cette vision-là. Ils pensent avoir une vision à long terme, mais ne prennent pas en compte les enjeux comme la disponibilité des matériaux ou le changement de comportement des consommateurs. 

Si on veut faire bifurquer les entreprises, il faut que plus en plus de monde fasse du lobbying pour aller chercher les plus récalcitrantes. Et si elles ne veulent pas, il faut aller chercher les employés pour la faire évoluer en interne. Il y a du travail, et c’est maintenant.”

Quels sont tes projets pour la suite ?

“Vu la tendance actuelle, je pourrais avoir du travail pour les trente prochaines années. Il faudrait que toutes les entreprises françaises aient un bilan carbone. C’est certains que l’on peut multiplier par 10 les personnes qui développeront cette activité dans un futur proche et qui intègreront les entreprises de l’intérieur. 

Mais je ne pense pas faire cela toute ma vie. Mon objectif n’est pas de réaliser le bilan carbone pour la même entreprise d’année en année,  mais plutôt de me diriger vers celles qui ne l’ont pas encore fait. Le but est de rendre les structures autonomes et de les amener vers une démarche d’amélioration. 

Concernant l’avenir de Bee Impact, mon enjeu ces derniers mois est de savoir si je dois embaucher une personne ou plutôt m’associer. Pour l’instant, j’ai pris le parti de ne pas embaucher pour préserver ma liberté. Et si je dois m’associer temporairement sur certains projets, je trouve d’autres indépendants. J’ai créé un réseau assez important de professionnels qui peuvent être complémentaires avec moi sur certaines missions. 

Je ne saurais pas dire quel type de missions je ferai dans les prochaines années, j’essaye de ne pas regarder trop loin et d’avancer à mon rythme.”

Qu’est-ce qui a changé dans ta façon de vivre depuis ta transition ?

“Avec ma femme, nous avons décidé de dépenser moins, pour vivre mieux, ce qui implique une baisse de notre niveau de vie au profit de notre qualité de vie : acheter une maison plus petite, rationaliser les transports, choisir des activités locales, etc. Ce changement de façon de penser permet de vivre mieux en étant plus libre. 

C’est ce que je visais aussi avec l’entrepreneuriat : la liberté de choisir mes clients, les jours où je travaillais, où je pouvais faire mes activités. Je pense qu’il y aura de plus en plus de monde qui vont tendre vers ce mode de vie. La sécurité de l’emploi n’attire plus autant.

 Mais j’ai toujours eu cette assurance que j’allais rebondir quoi qu’il arrive. Même si demain je dois reprendre un CDI j’ai confiance en mes capacités pour y arriver. Cet état d’esprit m’aide beaucoup à accepter le “danger” de se mettre en freelance. Je suis quelqu’un qui n’a pas peur de se lancer dans de nouveaux projets. 

Je ne suis pas figé dans un modèle, c’est peut être pour ça que j’ai la facilité de dire que les autres peuvent faire la même chose que moi, les encourager à quitter leur emploi actuel et se mettre à leur compte.”

Quel est le profil idéal pour exercer ton métier ?

“Pour commencer, il n’y a pas d’âge minimum ou maximum. J’ai vu des consultants qui avaient 25 ans. Dans ce cas, ce sont souvent des personnes qui ont fait des écoles de commerce ou d’ingénieur. 

Je dirais qu’il vaut mieux avoir vu quelques entreprises pour connaître le fonctionnement des différents services : qui fait quoi, qui est responsable de quoi, les jeux de pouvoir et l’interdépendance entre les différents services, etc.  

Pour les personnes qui n’ont pas fait d’école de commerce ou d’ingénieur, il n’y a pas de prérequis pour ce métier. La formation que j’ai suivi est celle de l’association bilan carbone, que j’ai réalisée à distance. C’est une formation assez courte de deux sessions de deux jours. 

Ce métier demande une aisance avec les chiffres et les unités physiques, donc il faut quand même avoir un certain niveau dans ces domaines pour comprendre le sujet. Le reste relève de la culture générale, qui s’acquiert au fil du temps, en se renseignant sur Internet ou en écoutant des conférences.

Il est aussi très important de créer son propre réseau et d’aller au contact des entreprises.”

Des conseils pour se lancer dans cette voie ? 

“Si quelqu’un comprend facilement les ordres de grandeurs et les valeurs physiques, je lui dirais de faire exactement la même chose que moi. Il existe beaucoup de cabinets qui font du bilan carbone ainsi que des solutions SAAS (“Software As A Service” ou en français : “logiciel en tant que service”). Il s’agit de logiciels qui permettent aux entreprises de faire leur bilan avec une application comme Toovalu (avec qui je travaille), Greenly et Carbo. Beaucoup de consultants sont indépendants, en freelance autoentrepreneur ou SASU et se lancent dans le bilan carbone de façon individuelle.”

Un grand merci, Bertrand, pour ton témoignage !

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