Reconversion dans la transition écologique rime souvent avec syndrome de l’imposteur. Clotilde, participante à la promo 9 du parcours Mon Job de Sens, a commencé sa carrière dans le commerce international avant de devenir responsable du pôle économie circulaire chez Orée. Comme beaucoup, elle a été confrontée aux sentiments de doute et de manque de légitimité au cours de sa transition professionnelle, et partage avec nous les leçons qu’elle a tiré de son expérience.
Reconversion dans la transition écologique, une période d’exploration mais aussi de doutes
Syndrome de l’imposteur : symptômes chez les futurs acteurs du changement
Le syndrome de l’imposteur « exprime un sentiment désagréable de doute permanent qui consiste à ne pas se sentir légitime » selon Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris.
Concrètement, en tant qu’expert.e.s de la transition professionnelle à impact, nous l’observons régulièrement chez les personnes que nous accompagnons. Il se manifeste avec le fameux « mais » qui vient s’immiscer dans les pensées :
- Mais je ne connais rien aux enjeux de l’ESS
- Mais je n’ai pas de formation en développement durable
- Mais en quoi je suis, moi, légitime pour travailler dans la transition ?
- Mais je n’ai pas d’expérience dans ce secteur
- Mais pourquoi les recruteurs s’intéresseraient-ils à moi ?
Imaginer son avenir : par où commencer quand tout est possible ?
Prendre la décision de remettre du sens dans sa vie professionnelle, en effectuant une reconversion dans la transition écologique par exemple, c’est un peu comme entamer un voyage.
Dans une transition professionnelle, “il y a une part d’exploration, de rencontres et de découverte qui est absolument incroyable, témoigne Clotilde. Tout est ouvert, il se passe plein de choses”. Elle se rappelle de cette période comme « l’univers des possibles ». “J’allais être chaman, le lendemain couturière, et le jour d’après, commerciale qui gagne plein de fric…”
S’autoriser à imaginer plein de projets d’avenir (des plus fous aux plus évidents) est à la fois grisant, “mais il y a aussi une part certaine d’inconfort : on ne sait pas toujours par quel bout prendre les choses”. Face à ce mélange de stimulation créative et de doutes, elle a donc commencé par explorer les thématiques qui l’attiraient à ce moment-là.
Comment se sentir plus légitime pour être recruté.e dans la transition écologique et sociale après une reconversion ?
Dans le cadre d’une reconversion à impact, le syndrome de l’imposteur vient souvent du manque de connaissance et d’expertise sur les sujets liés à la transition écologique et sociale.
C’était le cas pour Clotilde, qui était attirée par la thématique de la ville durable. Elle avait travaillé pendant cinq ans pour un fournisseur de lignes aériennes à Hong Kong, et avait donc très peu d’expertise dans les enjeux qui l’intéressaient. Difficile donc de se sentir légitime pour être recrutée…
Alors comment faire ? Généralement, le premier réflexe est de vouloir se tourner vers une formation. Mais cela peut être long et coûteux, alors que ce n’est absolument pas une étape nécessaire. Clotilde, elle, a préféré tenter d’autres stratégies.
S’informer plutôt que se former
Elle a commencé par se rendre à des événements en lien avec la transition. “A l’époque, j’habitais non loin de la REcyclerie [un tiers-lieu dans le 18ème arrondissement de Paris qui propose une programmation variée sur les enjeux sociétaux actuels], j’allais donc souvent assister à des conférences organisées là-bas”. Salons, conférences, afterworks, tables rondes… Tous les événements sont des opportunités de découvertes et de rencontres pour mieux appréhender les sujets qui nous tiennent à cœur. Même en version digitale : webinaires, etc.
Curieuse, elle se nourrit aussi de différents contenus qui alimentent sa culture générale dans les thématiques qui l’intéressent, et notamment en écoutant des podcasts. “C’est un type de média qui me convient très bien pour élaborer des réflexions”.
Ses recommandations dans deux de ses thématiques préférées :
- Ecologie, transition et monde de demain : La Terre au carré, Supplément d’âme et 2030 Glorieuses
- Inclusion (féminisme, anti-racisme) : La Poudre, Les Couilles sur la table, Tant que je serai noire et Sans blanc de rien
Aller à la rencontre des gens en poste, une initiative qui paie
Enfin, elle a contacté de nombreuses personnes sur LinkedIn pour leur proposer des rendez-vous. Échanger avec des personnes en poste pour en savoir plus sur leur métier est une initiative que nous recommandons vivement.
“J’ai échangé avec une personne sur des sujets qui m’intéressaient (l’agriculture urbaine, la ville durable), et cette dernière m’a recommandée une association qui traitait ces enjeux. J’ai donc ajouté sur LinkedIn plusieurs salariés de cette association et l’une d’entre eux m’a contacté pour discuter. Finalement, après avoir étudié mon profil, elle m’a dit qu’elle cherchait quelqu’un pour la remplacer pendant son congé maternité. C’est comme ça que j’ai trouvé mon poste actuel chez Orée !”
Elle a donc décroché un job pour lequel aucune offre n’a été publiée : c’est ce qu’on appelle le marché caché de l’emploi, accessible uniquement en développant son réseau. Cela semble réservé aux autres et pourtant, c’est vraiment très fréquent.
On vous recrute pour qui vous êtes, pas pour la formation que vous avez faite !
S’il y a une seule chose à retenir de cet article, c’est ça. Notez-le, encadrez-le, répétez-le : “on me recrute pour qui je suis, pas pour la formation que j’ai faite.” Encore une fois et à voix haute !
En recrutement, la personnalité compte tout autant (voire plus !) que l’expertise
Clotilde a été recrutée pour une mission dans l’économie circulaire, sans être experte du sujet. En effet, dans son cas (et pour beaucoup de recrutements), les recruteurs sont à la recherche d’une personnalité qui pourra s’intégrer dans leur équipe. C’est sa motivation, sa posture qui ont convaincu, plus que ses connaissances en économie circulaire (qu’elle a acquises par la suite).
Aujourd’hui, elle est passée “de l’autre côté”, et recrute à son tour. “Mon premier filtre pour sélectionner les candidat.e.s, c’est de déterminer si je vais bien m’entendre avec la personne. Je cherche des gens qui me complètent, qui ont des talents différents des miens.”
Réaliser des projets pour renforcer sa confiance en soi
Alors qu’elle était en recherche d’emploi, elle lance un projet qui lui tenait à cœur : les Impactrices, “une communauté qui inspire, connecte et accompagne les actrices de la transition environnementale et sociétale”.
Elle insiste sur ce que ça lui a apporté : “avoir des activités en parallèle de votre vie professionnelle, qu’elles soient bénévoles ou non, en lien ou non avec votre carrière, c’est quelque chose que j’encourage ! Grâce au lancement des Impactrices, j’arrivais en entretien avec un projet récent dont j’étais fière. Ça me permettait aussi de sortir de ma recherche d’emploi et de faire avancer concrètement des choses au sein d’une équipe. En termes d’équilibre, ça fonctionnait bien pour moi.”
Et après la prise de poste ? Quand le syndrome de l’imposteur persiste
Nouveau métier, nouveaux sujets : gérer son manque d’assurance
Une fois le contrat signé, on peut se dire que c’est gagné. Mais pour Clotilde, la prise de poste n’a pas été très facile.
« Une des difficultés pour moi, c’est de ne pas avoir été recrutée comme junior, comme c’était le cas pour mon premier poste. Là, j’avais trente ans, j’étais censée savoir où j’allais. Or je n’avais jamais autant eu l’impression de ne pas savoir où j’allais justement ! Concrètement, je ne comprenais pas de quoi je parlais toute la journée. Je remplaçais des personnes qui étaient expertes en économie circulaire, et je nageais complètement. »
Face à cette situation inconfortable, elle a décidé de relativiser : “je me suis dit : fais tout ce que tu peux, avec ce que tu as. Tu as réussi à les convaincre de te recruter, il y a bien une bonne raison à cela. Tu ne pourras pas faire plus.”
S’appuyer sur ses forces durant la période d’apprentissage
Au fil du temps, elle a fini par acquérir plus de confiance en elle et de compréhension des sujets. Ses collaborateurs ont aussi adapté leurs demandes le temps qu’elle monte en compétence. Ayant changé à la fois de sujet et de métier, elle s’est appuyée sur ses talents naturels, comme sa capacité à vulgariser facilement des concepts et son attitude positive. Il y avait également des process en place dans l’association sur lesquels elle a pu s’appuyer pour savoir comment procéder.
Elle a également appris de ses pairs, à qui elle n’hésitait pas à poser des questions et qu’elle observait dans leurs manières de faire. “Jusqu’au jour où je me suis sentie suffisamment à l’aise pour arrêter de regarder comment mes collègues faisaient. J’ai alors commencé à faire à ma manière, ce qui constitue une nouvelle étape.”
En résumé
Se reconvertir dans la transition écologique, c’est s’exposer à des périodes de doutes et à ce fameux “syndrome de l’imposteur”. Ce qui est tout à fait normal ! Nouveau secteur, nouveau métier, nouveaux enjeux : vous sortez de votre zone de confort pour découvrir de nouvelles choses.
Pour gérer ce sentiment de manque de légitimité, pas besoin de se jeter sur la première formation en vogue. Apprenez à connaître vos forces pour vous appuyer dessus, et développez vos connaissances (et votre réseau !) dans les sujets qui vous touchent.
Un grand merci à Clotilde pour son partage d’expérience !
Pour en savoir plus sur son parcours :
- Le portrait de Clotilde sur notre blog
- Son interview sur Ozé, le podcast de l’engagement pour un monde durable