Alice, améliorer l’empreinte environnementale des cabinets médicaux

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Plan de l'article

Afin de vous aider à trouver le job de sens qui est fait pour vous, des heureux travailleurs ont gentiment accepté de partager un bout de leur histoire…

Qui es-tu ?

“Je m’appelle Alice Baras, j’habite à Lille et je suis professionnelle de santé durable. J’ai exercé comme chirurgien-dentiste dans un cabinet pendant 15 ans. J’ai ensuite lancé mon entreprise ECOPS Conseil pour sensibiliser, accompagner et former les professionnels de santé à réduire leur impact environnemental, prendre soin de leur santé et de celle du public. Je suis également auteure du “Guide du cabinet de santé écoresponsable”.

Quel a été ton déclic ?

“Au fil  des années, j’ai peu à peu ressenti un décalage entre mon métier et mes valeurs. En tant que professionnelle de santé, mon rôle était curatif (soigner les patients), mais pas ou trop peu  préventif (éviter qu’ils aient besoin de soins). 

À l’approche de la quarantaine, je me posais beaucoup de questions autour de mes valeurs, ma façon de consommer, à quels risques étaient exposés mes enfants, etc. En parallèle, j’ai eu un problème d’épaule qui s’est développé jusqu’à ne plus pouvoir lever le bras, et qui a donc conduit à un arrêt maladie il y a 5 ans. 

J’avais alors du temps pour m’impliquer dans une association et j’ai rejoint Zero Waste Lille, où j’ai pris plaisir à découvrir le milieu associatif et fait de belles rencontres.

A travers les différents projets de réduction des déchets, lier les sujets économiques, écologiques et de santé est apparu pour moi comme une évidence. J’ai réalisé que c’était dans cette voie que je voulais engager ma réorientation professionnelle, car physiquement, la reprise était impossible au cabinet.

J’ai effectué un bilan de compétences, financé par mon employeur, pour m’interroger sur ce qui m’animait et dépasser ce conflit de valeurs que j’avais dans mon précédent métier. J’avais besoin de me poser, de m’émanciper et de savoir où et comment je pouvais être utile.”

Comment s’est passée ta transition professionnelle ?

“Pour savoir comment approfondir ma démarche santé et environnement, j’ai contacté Laura, qui m’a orientée vers le Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS).

En 2017, je me suis inscrite à un diplôme universitaire proposé par ce comité, dans le management du développement durable en santé. Je m’y suis vraiment sentie à ma place, et j’ai poursuivi avec deux autres formations :

  • L’une sur l’exposition aux risques émergents, et notamment les perturbateurs endocriniens présents partout dans notre vie quotidienne (produits de santé dont cosmétiques et médicaments).
  • L’autre sur la démarche qualité en cabinet dentaire, pour approfondir mes connaissances sur le cadre réglementaire de la gestion du risque infectieux en cabinet. J’aimerais en effet réduire l’impact écologique et sanitaire des procédures de désinfection ou de gestion des déchets. 

L’objectif de ces formations était d’acquérir de véritables connaissances scientifiques pour mener une réflexion cadrée et complète autour de ces enjeux. Tout ce que j’ai appris m’a permis de savoir comment mettre en place des actions écoresponsables en cabinet de santé.

En septembre 2018, en parallèle de ces formations, j’ai donc créé mon entreprise ECOPS Conseil, “ECOlogie Prévention Santé”.”

Quelle est ton activité aujourd’hui ?

“Avec ECOPS Conseil, je propose 4 types de services : 

  • des formations initiales et continues pour les équipes soignantes
  • du conseil et accompagnement en cabinet dentaire et les autres spécialités médicales et paramédicales
  • des actions de sensibilisation : conférences, réunions confraternelles
  • de la gestion de projets : mise en œuvre et management d’objectifs “environnement & santé”

Je propose deux thèmes de formation. La première porte sur l’intégration d’une démarche éco responsable et promotrice de santé environnementale au sein du cabinet de santé. La seconde cible la gestion du risque chimique et la prévention des risques liés aux perturbateurs endocriniens.

Ces sujets me tiennent à cœur. Pour moi, c’est du bon sens, la santé et l’environnement sont liés : l’un agit sur l’autre. Il faut tourner cela en cercle vertueux, les co-bénéfices. Ce qui est meilleur pour l’environnement est aussi bon pour la santé !  L’intérêt est de faciliter et donner envie aux professionnels de santé d’acquérir les gestes adaptés pour limiter leur impact environnemental.

Pour chaque formation, je propose des journées d’ateliers en distanciel ou présentiel avec une vingtaine de personnes. Généralement, les participants viennent du même cabinet pour mettre en place une démarche écoresponsable sur leur lieu de travail. Ce sont des personnes (surtout des femmes !) souvent déjà engagées personnellement.

La diversité des participants enrichit les échanges en soulevant des problématiques variées, et permet de trouver des solutions ensemble. Avec une feuille de route, nous reconnaissons les écogestes déjà mis en place pour les valoriser, en posant des objectifs à court ou long terme. 

Le but est de leur donner du temps pour rechercher des procédures avec des outils qui pourraient leur convenir. Les objectifs atteints permettent d’ancrer des gestes sur le terrain.”

Quels sont les enjeux autour de la santé et de l’environnement ?

“Les sujets de santé et d’environnement sont passionnants, et en même temps, assez angoissants quand on réalise les conséquences de la dégradation de l’environnement sur la santé. Santé des écosystèmes, climat, biodiversité, santé humaine, tout est lié. Mais il ne faut pas s’attarder sur l’anxiété que cela peut générer : il faut agir !

Le dernier rapport dédié au système de santé du think-tank The Shift Project estime que celui-ci représente 8% des émissions totales françaises de gaz à effet de serre qui sont responsables du changement climatique. C’est énorme ! 

Les problématiques sont diverses. En formation, j’aborde notamment les thèmes de la maîtrise de cet impact carbone (transports, numérique, consommation énergétiques directes),  de la  pollution chimique,  de la surconsommation des ressources, du bioplastique et de l’usage unique en cabinet,  ou encore de la gestion des déchets  à risques infectieux. 

Par exemple, pour ce dernier, il y a de multiples enjeux. Ce qu’on appelle les DASRI (déchets d’activités de soins à risques infectieux) sont impossibles à recycler et leur traitement crée 3 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que les déchets ménagers. 

Or, une bonne partie d’entre eux représentent en réalité un très faible risque avéré et pourraient être traités comme des déchets classiques. Ce qui aurait un vrai impact environnemental, mais aussi économique (leur traitement nécessite une prise en charge réalisée par un prestataire dédié).

Par ailleurs, un frein majeur au développement de démarches écoresponsables en santé est la législation concernant la communication. À ce jour, être reconnu publiquement comme professionnel de santé ambassadeur écoresponsable n’est pas encore possible. 

Par exemple, des masseurs-kinésithérapeutes ont créé le label EcoKiné, pour valoriser les praticiens engagés dans une démarche écoresponsable. Ces derniers ne peuvent cependant pas être référencés pour le moment, ni communiquer sur la démarche à l’extérieur de leur cabinet.

Cependant, cela fait plus de 4 ans que je m’investis sur les sujets de santé et d’environnement, et je peux dire qu’il y a vraiment eu une prise de conscience en 2021 autour de ces sujets, c’est encourageant ! Et ça va continuer en 2022 !”

As-tu d’autres projets ?

“En tant qu’organisme de formation, il y a 2 ans,  j’avais obtenu la certification Datadock qui permet de faire bénéficier les stagiaires d’une prise en charge de leurs frais de formation. Mais à présent, il faut être certifié Qualiopi. C’est un investissement financier et administratif  important pour une petite structure comme la mienne. 

En décembre 2021, j’ai donc rejoint la coopérative d’entreprises Optéos. C’est une CAE spécialisée dans la communication qui me permet de bénéficier de leur certification Qualiopi, d’un soutien pour la gestion de mon activité, mais aussi de travailler en collectif ! Et ainsi poursuivre le développement de mon activité de formation.

En parallèle, j’ai rejoint en 2021, l’Alliance santé planétaire, qui est hyperactive et enthousiasmante, et le collectif CAUSE – Collectif d’Action face à l’Urgence en santé Environnement. Et je continue les actions avec d’autres associations en santé-environnement, telle que l’ASEF.

J’écris des articles sur la santé et l’environnement, pour une revue professionnelle dentaire  notamment. C’est aussi une activité bénévole, mais cela me permet de sensibiliser sur ces sujets encore peu abordés. Et il y a aussi des étudiants qui me contactent pour des sujets de thèse à la suite de mes publications. 

Enfin, j’ai publié en octobre 2021 le “Guide du cabinet de santé écoresponsable » aux presses de l’EHESP, dans le but de proposer des outils pratiques et accessibles.”

Peux-tu nous parler de ton livre ?

“A travers ce guide, j’ai souhaité permettre aux professionnels de santé d’approfondir leurs connaissances sur les liens entre environnement et santé pour faire évoluer les pratiques au sein des différents cabinets médicaux et paramédicaux, car on peut tous être acteur du changement à opérer.

Il est structuré en 22 fiches pratiques réparties au sein de 6 thèmes :

  • management et intégration de la démarche écoresponsable
  • maîtrise de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre
  • achats responsables
  • sobriété chimique
  • gestion des déchets
  • renforcement de la démarche et résilience

J’ai sollicité plusieurs praticiens et acteurs en santé  motivés par ces sujets pour être la plus pertinente possible. J’aborde par exemple la notion de permaculture en santé. Le principe fondamental de la permaculture est l’observation et le respect du vivant. 

Cela peut être mis à profit dans un cabinet, notamment dans l’accompagnement du patient, pour mieux connaître ses besoins, s’y adapter. Je trouve qu’il est primordial de soutenir et accompagner le patient acteur de sa santé. 

J’ai reçu des retours très positifs de la part des professionnels de santé depuis la publication. Je suis très heureuse d’avoir trouvé un public réceptif, pour qu’on puisse avancer ensemble dans cette voie.”

Un dernier mot pour conclure ?

“Il y a quelque part un problème de prise de conscience globale. Avec la Convention Citoyenne pour le Climat, on se rend compte que l’on peut tous être acteurs et ambassadeurs de la cause environnementale, à la condition de comprendre les enjeux et d’être formés aux possibilités d’y répondre. Cela me semble logique que les professionnels de santé soient eux aussi formés pour endosser ces rôles-là.

Il est urgent de faire évoluer notre système de soins et de maladies en un système de prévention et de promotion de la santé. Nous pouvons nous réinventer et être en phase avec nos valeurs, développer la prévention, tout en favorisant la protection environnementale. 

Certes, le système de santé doit évoluer, se transformer, mais nous aurons tout à y gagner. Comme le dit le Lancet, revue scientifique reconnue, “Time is short”. Alors passons à l’action, ensemble !”

Un grand merci, Alice, pour ton témoignage !

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