Souba, équilibrer sa vie autour de ses valeurs

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Afin de vous aider à trouver le job de sens qui est fait pour vous, des heureux travailleurs ont gentiment accepté de partager un bout de leur histoire…

Qui es-tu ?

“Je m’appelle Souba, je suis trentenaire et j’habite à Paris. J’ai travaillé 14 ans dans la RSE en entreprise, jusqu’au poste de Directrice RSE dans une multinationale. 

Aujourd’hui, je suis entrepreneuse engagée dans la transition et activiste climat. J’ai différentes casquettes entrepreneuriales : je gère une société privée d’investissement qui finance des projets de la transition, je suis consultante en stratégie RSE et j’ai co-fondé l’association écoféministe Les Impactrices.”

Quel a été ton premier déclic pour trouver ton job de sens ?

“Ma sensibilité environnementale vient de mon éducation. Dans ma famille indienne, c’était juste du bon sens de recycler, réutiliser les vêtements de la fratrie, partager un potager ou d’utiliser des pots de glace comme boîtes de congélation. On n’avait pas besoin de poser des mots sur ces pratiques (upcycling, recyclage, écologie…). 

Quand je suis arrivée en école de commerce en 2006, je me suis très vite sentie mal à l’aise. Nous avions un business case à réaliser en groupe, pour lequel nous devions représenter une entreprise et développer son chiffre d’affaires. Le but étant d’avoir la meilleure note, il fallait donc être le plus rentable possible, quoiqu’il en coûte. 

Symboliquement, autour d’une table d’école, s’illustraient les mécanismes du monde et du capitalisme avec tout leur non-sens. On décidait de produire en Indonésie pour bénéficier de matières premières moins chères, l’emballage du produit se faisait ailleurs en Asie, les pièces détachées venaient d’Inde, avant que l’ensemble soit expédié en Europe pour la consommation, la fin de vie n’étant même pas prise en compte. 

Mes camarades de classe étaient exaltés, mais j’étais sidérée, sans parvenir à mettre de mots sur ce que je ressentais. A ce moment, je ne me sentais pas à ma place.

Quelques semaines après, nous devions travailler sur un autre projet : la réalisation d’un audit environnemental en entreprise. Ça a été un déclic important dans ma carrière car j’ai vu qu’il était possible de trouver du sens dans mon travail et d’avoir un impact en accord avec mes valeurs. J’avais donc toute ma place dans ce domaine. 

Je suis reconnaissante pour ces déclics si tôt car je n’aurais pas supporté de traîner des pieds chaque matin pour me rendre au bureau, c’est ma plus grande peur !”

Comment a commencé ton parcours ?

“J’ai saisi l’opportunité de demander un stage en alternance dans l’entreprise où j’avais réalisé le projet. Cela s’est transformé en carrière, à l’international pendant quelques années, puis au siège français par la suite. A ce moment-là, on ne parlait pas autant de RSE que maintenant. 

J’ai donc évolué et créé mon propre “job” dans ce grand groupe de l’industrie de la photocopie et de l’imagerie jusqu’à devenir directrice RSE au comité de direction. C’était le plus haut poste que je pouvais atteindre, surtout en tant que femme, jeune et issue de l’immigration, avant de toucher le plafond de verre. Dans cet environnement très masculin, j’ai subi des discriminations liées à mon genre, mon âge, ma classe sociale et mon origine, mais je continuais à surpasser ces obstacles. 

En 2017, où j’ai accouché de mon premier enfant, le retour à mon poste de direction a été compliqué. J’ai appris que j’avais été rétrogradée pendant mon congé maternité, malgré mon parcours d’excellence, une histoire pas si rare malheureusement en tant que femme. 

C’est pour cela que je conseille de ne pas trop idéaliser les métiers de la RSE, notamment en entreprise et quand on a des valeurs que l’on porte haut et fort.”

Qu’as-tu fait ensuite ?

“J’adorais la vie effrénée que j’avais au travail, mais mon congé maternité m’a permis d’avoir du temps pour moi, que j’ai passé à lire notamment. Je me suis alors intéressée aux rapports du GIEC que je n’avais jamais lus (un comble pour une directrice RSE, mais on ne nous a pas appris cela en école de commerce !). Ça m’a fait l’effet d’une grosse claque !

J’ai ressenti une certaine culpabilité de ne pas m’y être plus intéressée auparavant. J’ai également lu le livre de Pablo Servigne “Comment tout peut s’effondrer”, qui vulgarise très bien les données scientifiques autour des enjeux climatiques. Cela a été mon “déclic urgence climat”.

Avec mon mari, nous voulions devenir propriétaire à Paris. Mais je ne souhaitais pas investir autant d’argent dans un lieu probablement inhabitable d’ici quelques années, à cause du réchauffement climatique. A la place, nous avons utilisé ce budget pour créer une société privée d’investissement, spécialisée dans la transition écologique, énergétique et sociétale. C’est ainsi qu’est née La Financière Cameena en 2017. Notre véritable force pour créer cette structure était l’alliance de nos compétences, lui en finance et moi en RSE. C’était mon premier pas dans l’entrepreneuriat à impact !

Les projets que l’on choisit d’accompagner sont très variés ! Aquaponie en Afrique et en Asie, investissements dans des parcs éoliens, création d’une application pour l’autonomie des personnes âgées, expositions photos qui luttent contre le racisme et le sexisme, etc. Le retour sur investissement de ces projets prend entre 5 à 7 ans.

A mon retour de congé maternité, je voulais également faire bouger les lignes de mon entreprise, mais après 4 mois dans un poste rétrogradé, j’ai fait un burnout. 

J’en suis donc partie, pour me lancer pleinement dans l’entrepreneuriat à impact. Plus qu’une question de choix, c’était avant tout une question de “survie”, comme l’explique très bien Marie Dasylva dans son dernier livre « Survivre au taf« . Je me disais qu’ainsi, je ne subirais plus autant de discriminations, que je travaillerais pour moi, pour créer de l’impact de façon plus directe et concrète !

En 2018, j’ai co-fondé l’association Les Impactrices et en 2019 je me suis mise à mon compte pour réaliser des missions de consulting et de conseils en stratégie RSE auprès d’entités privées, publiques et associatives.”

Peux-tu nous présenter les Impactrices ?

“J’ai rencontré Clotilde en 2018, à la Recyclerie, un tiers lieu dédié à l’éco-responsabilité. Elle portait le projet WeTeam, favorisant la place des femmes dans le milieu professionnel pour l’environnement. Cette idée m’a plu et c’est ainsi que j’ai rejoint l’aventure ! 

Je suis donc devenue cofondatrice de l’association qui s’appelle désormais Les Impactrices. Elle a pour objectif de révéler le plein potentiel des actrices du changement, de les accompagner dans leur projet à impact et de favoriser leur place dans la transition environnementale et sociétale nécessaire pour relever le défi climat.

Pour cela, nos activités se développent autour de 3 axes :

  • INSPIRER à travers des évènements et un futur média qui favorisent le passage à l’action et la prise de conscience collective.
  • ACCOMPAGNER nos membres dans leur projet à impact grâce à nos ateliers et programmes dédiés.
  • CONNECTER ces dernières au sein de notre communauté d’actrices et d’acteurs du changement de tous horizons pour s’entraider et contribuer à une action climat inclusive.

Depuis la création, nous avons réalisé plus d’une cinquantaine d’événements et ateliers, comptons plus de 7 000 membres sur nos réseaux avec une équipe de 42 bénévoles.

D’après le GIEC il ne nous reste plus que 8 ans pour agir, alors face à ce défi rappelons nous qu’impossible n’est pas feminin !

Nous avons récemment intégré un incubateur de projets à impact spécialisé dans l’ESS, “I Engage”, pour trouver un modèle économique pérenne. Pour l’instant, cette casquette entrepreneuriale est bénévole.”

Quelles ont été les difficultés rencontrées dans ton parcours ?

“Les personnes que je rencontre m’interrogent souvent sur mes origines. Mes parents viennent de Pondichéry mais je suis bien française. Cela fait rire les gens quand je leur réponds que je viens de Meaux. Ce qui peut être anodin pour certains, peut blesser celles et ceux qui reçoivent ces micro agressions au quotidien.

Ma double culture est une source de richesses incroyable. Mais c’est aussi pesant de se sentir exclue du pays dans lequel je suis née. Surtout quand ma présence n’est pas le fruit d’un hasard, mais bien des conséquences de l’Histoire. Mes parents m’ont incitée très tôt à faire de longues études, me prévenant que je devrais travailler plus que les autres. Ils m’ont aussi transmis les outils nécessaires pour vivre malgré le racisme. 

C’est un mot qui fait peur, mais qui existe comme le sexisme. Aux personnes qui ont encore peur des mots, je leur réponds : “à l’instar de Voldemort dans Harry Potter, comment combattre le mal si on ne peut même pas le nommer ?”.

Par exemple, lorsque j’étais en recherche d’appartement, j’ai dû utiliser le nom de mon mari, n’ayant aucune réponse avec le mien. Donc, même en cochant toutes les cases du “contrat social” (bonnes études, bon salaire, etc.), je rencontre toujours des obstacles face à mes droits les plus fondamentaux comme se loger, et c’est violent. 

Autre exemple : en prenant la parole dans des espaces écologistes parisiens, je fais face à des remarques auxquelles une personne blanche n’est pas confrontée. Même dans des milieux censés prôner la bienveillance et le vivre ensemble, ces sujets existent. D’ailleurs, beaucoup de discours écologistes ne prennent pas en compte les enjeux sociétaux et excluent ainsi une grande partie des personnes, qui ne s’y reconnaissent pas.

Les enjeux du défi climat prennent racines dans toutes les formes d’inégalités à la base. Or, nous ne pouvons avoir une économie sociale et solidaire sans comprendre le monde dans lequel on vit. Pour éviter l’entre-soi : la diversité des discours et la pédagogie sont donc indispensables pour créer une action climat collective, inclusive et massive, seule solution au défi qui nous attend .”

As-tu des projets ?

“Le fait de développer différentes activités en parallèle peut paraître assez flou pour mon entourage et futurs clients. J’ai voulu les présenter sur un site web qui sera bientôt en ligne, “The SMILE Society”. Il s’articulera autour de 4 activités : Stratégie, Média, Influence, Learning Experience. 

Je mets ainsi toutes mes ressources (mes compétences, mon expérience, mon réseau, mon argent et même ma voix) au service de la transformation écologique et sociétale nécessaire pour relever le défi climat. C’est mon positionnement. 

Ma prochaine étape : développer des ateliers de diversité et d’inclusion dans les sphères écologiques. Je suis convaincue que de la diversité naît l’innovation ! Et s’il y a bien un domaine qui a besoin de solutions innovantes rapidement, c’est bien les domaines de la RSE ou de l’ESS.

L’ enjeu qui me tient particulièrement à cœur est celui du climat. Ma spécificité est de travailler autour des enjeux sociétaux qui y sont liés, mais encore trop invisibles. Je rêve de créer un média mettant en lumière la parole et les actions des activistes du climat dont je fais moi-même partie : des personnes au profil varié qui font bouger les lignes dans l’ombre. Mais cela nécessite un financement que je n’ai pas encore.

J’ai toujours ressenti ce besoin d’alignement, mais il faut parfois faire des compromis. Mon Job de Sens m’a permis de trouver cet équilibre, de mettre une timeline sur les projets que je voulais réaliser en me disant que je pouvais expérimenter. Si j’échoue quelque part, ce n’est pas grave, je me relève… toujours.”

Un grand merci, Souba, pour ton témoignage !

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