Quitter la grande ville

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Meilleure qualité de vie, rapprochement avec la nature, mode de vie plus résilient et engagé, etc. Les raisons pour quitter la grande ville pour s’installer en milieu urbain moins dense ou carrément à la campagne sont diverses. Beaucoup y pensent, certains le font. Prendre la décision de changer de cadre a de nombreuses implications pour toute la famille : trouver un logement, se recréer un réseau, prendre de nouvelles habitudes de vie, adapter ou changer son activité professionnelle, etc. Alors, quelles sont les clés pour réussir son départ « au vert » ? Nous avons échangé avec plusieurs de nos transitionneurs qui ont sauté le pas. Voici leurs conseils et retours d’expérience.

Quitter la grande ville : quels impacts sur son travail ?

Partir pour un nouveau lieu de vie implique de nombreux changements, et notamment dans sa vie professionnelle. Les situations sont néanmoins variées. 

Niveau de vie VS qualité de vie

Nelsina travaillait à Paris et bénéficiait d’une bonne situation, mais le lien avec la nature lui manquait. Elle a donc quitté le béton pour la côte bretonne, où elle vit désormais “les pieds dans l’eau, les mains dans la terre”. 

Un changement qu’elle ne regrette pas malgré la baisse de ses revenus : “Je travaille 4 jours par semaine, ça me donne plus de liberté pour d’autres activités.” Elle pratique notamment le kitesurf, anime des fresques océanes et s’occupe de son potager.

Les salaires sont en effet souvent plus élevés dans les grandes villes. Mais le coût de la vie aussi. Les questions liées à l’argent sont importantes à se poser : combien avez-vous vraiment besoin de gagner pour répondre à vos besoins ? Gagner un “bon salaire” vous permet-il de vous sentir reconnu.e dans la société ? Etes-vous prêt.e à gagner moins pour gagner en qualité de vie ? 

Garder son job ou le quitter ?

Déménager implique de prendre une décision concernant son travail : rester en poste à distance ou quitter son emploi. Et si l’on choisit la seconde option, rester salarié ou lancer sa propre activité ?

Nina a fait le choix de quitter Paris pour Annecy en étant au chômage. “Ma priorité était de trouver d’abord un logement. Et finalement, j’ai décidé de monter un projet associatif et de construire mon propre job.”

En couple, la question se pose même doublement. “Mon compagnon et moi avions tous les deux envie de changer de lieu de vie. Nous avons sauté le pas quand j’ai quitté mon travail mais lui était toujours en poste.” raconte Nelsina. C’est vrai que suivre son conjoint dans une région où le marché du travail est plus restreint qu’en ville peut représenter un risque. 

Mais il ne faut pas non plus tomber dans le préjugé qu’il est impossible de trouver un emploi en dehors des zones urbaines. Clément a beaucoup voyagé depuis qu’il a terminé son école d’ingénieur, notamment en Wwoofing. “J’ai réalisé qu’il y a un grand besoin d’ingénieurs dans les écolieux car ceux-ci s’emparent de thématiques vraiment cruciales autour de l’énergie, de l’isolation, des matériaux, etc.”

Un exemple qui montre que des offres de postes qualifiés existent bel et bien, même en zone rurale.

Le télétravail, c’est possible ?

Par ailleurs, la généralisation du télétravail ces dernières années a ouvert de nombreuses opportunités. 

Pour Nina, “le télétravail est possible. Si vous devez vous rendre souvent à Paris par exemple, il faut pouvoir y aller facilement. Déterminez un lieu de vie où les TGV sont réguliers dans ce cas.”

Nelsina travaille aussi à distance pour une association basée en Auvergne. “En télétravail, on s’adapte. Parfois ça marche très bien, parfois moins. Quand la 4G a des problèmes, on part s’aérer en bord de mer ou on va mettre les mains dans la terre !” 

Cette adaptabilité est possible lorsqu’on travaille dans une organisation qui a placé l’autonomie et le bien-être de ses collaborateurs comme indicateur de réussite. Hélas tous les employeurs n’y sont pas compatibles.

Transports et mobilité : connaître ses besoins

La question des transports est centrale. Le réseau de transports en commun est souvent plus dense en ville et il faut donc s’adapter. Il est donc nécessaire de réfléchir aux trajets que vous avez besoin d’effectuer : fréquence, nature, etc. 

Par exemple : revenir à Paris une fois par mois pour le travail, faire des courses une fois par semaine, se rendre à son cours de yoga deux fois par semaine, emmener son enfant à l’école tous les jours, partir en montagne faire de l’escalade le weekend, aller voir la famille une fois par mois…

Interrogez-vous aussi sur vos critères concernant votre mobilité. Odessa, qui souhaite quitter Paris mais n’a pas encore sauté le pas, n’envisage pas de dépendre de la voiture par conviction écologique et parce qu’elle ne se voit pas “faire taxi” pour emmener son fils partout (école, activités extrascolaires). 

Nelsina rêvait aussi d’une vie sans voiture. Avec son compagnon, ils ont finalement décidé d’en garder une. “Je l’utilise rarement, sauf pour me rendre à mon cours de sport situé à 45 minutes de chez moi. Avant, c’était le temps que je passais régulièrement dans les bouchons !” 

Clarifier vos besoins en termes de mobilité vous permettra d’affiner vos critères de recherches. Par exemple, habiter près d’une école ou bénéficier d’un service de bus scolaire, être à moins de 20 minutes de la mer pour en profiter régulièrement, se rapprocher d’une gare TGV pour rallier Paris facilement, etc.

Restez tout de même réaliste : vivre à 100 mètres de la plage, dans un hameau tranquille mais possédant une gare et un lycée, c’est sûrement utopique !

Le conseil de Nina : “Allez sur place pour voir comment s’organise le réseau de transports, c’est vraiment essentiel pour identifier les différentes options possibles pour le quotidien, les loisirs, etc. En arrivant à Annecy, j’ai commencé par repérer où je pourrais aller faire mes courses, et m’inscrire dans une association de vélo pour pouvoir faire réparer le mien si besoin.”

Quitter la grande ville : et les relations sociales ?

Gérer l’éloignement avec la famille et les amis

Pour Nina, “il faut savoir faire des choix. Vivez pour vous avant tout ! Si vous avez envie d’avancer, priorisez vos projets. Vous ne pouvez pas faire votre vie en fonction de vos amis et votre famille. Quand ils sont forts, les liens restent, quoi qu’il arrive.”

D’ailleurs, Isadora en a fait l’expérience : “Mon conjoint et moi sommes partis nous installer près de Rennes parce que mes beaux-parents n’habitaient pas très loin. Mais je ne sais pas si nous resterons, car nous n’avons pas eu un véritable coup de cœur pour cet endroit. Nous préférerions nous rapprocher de la mer.” 

Mais elle garde contact avec ses amis parisiens. “A Paris, on se voyait régulièrement. Maintenant, soit on va chez eux, soit ils viennent nous voir. C’est différent mais on reste proches. Peut-être qu’il y a des amitiés que vous allez perdre, mais c’est la vie.”

Nelsina, elle, n’a pas observé de grands changements au niveau de ses relations depuis son départ. Et elle profite de ses déplacements professionnels pour passer voir sa famille et ses amis.

Tisser de nouveaux liens

Couper les ponts (de façon relative à l’ère du numérique) et s’installer dans un lieu où l’on ne connait personne peut faire peur. 

Clément en a souffert au début : “En arrivant dans la Drôme, le sentiment d’isolement a été difficile pour moi parce que toute ma famille et mes amis étaient à Paris. C’était frustrant de ne pas pouvoir aller prendre un verre avec un ami de façon spontanée. Ce que j’en ai retenu, c’est que ça prend du temps de recréer des relations “riches” et j’étais peut-être trop pressé.”

Aller à la rencontre des acteurs locaux qui partagent les mêmes valeurs et centres d’intérêts que vous est un bon moyen pour créer des liens selon Nina. “S’inscrire à des activités ou s’engager dans une association par exemple” complète Isadora.

Pour trouver des acteurs engagés sur un territoire, vous pouvez jeter un œil au Transiscope.

Les étapes pour choisir son nouveau lieu de vie

Etablir des critères

Prédéfinir une zone dans laquelle vous vous verriez vivre permet déjà d’établir un premier tri. Quelles sont les régions qui vous attirent ?

Passionnée de montagne, Nina partait régulièrement en week-end faire du ski. Elle savait donc que sa recherche se concentrerait dans les Alpes du Nord. Quant à Nelsina, c’est sa passion pour le kitesurf qui l’a conduite en Bretagne. Quel environnement est le mieux adapté pour les activités que vous aimez pratiquer ?

Clément a le projet de créer un écolieu avec sa compagne en Dordogne avec une activité maraîchère. Leurs critères sont avant tout financiers, ayant besoin d’une certaine surface de terres cultivables.

“C’est important aussi de sentir qu’un projet en bio sera bien accueilli et donc de choisir un territoire plutôt engagé sur ces questions-là. Nous nous sommes donc orientés vers une région où l’on pourra s’intégrer facilement, c’est-à-dire où il existe une mouvance alternative avec des personnes dans la même énergie que nous. Pour moi, la Drôme, la Dordogne, la Bretagne, l’Ariège (Pyrénées) et l’Ardèche ont ce genre d’atmosphère.”

Partir en repérage

Ensuite, confronter ses priorités au terrain est crucial. Difficile de savoir si l’on se plaira dans un endroit sans aller voir sur place !

C’est en visitant différents lieux en Rhône-Alpes que Nina a pu prendre une décision. “J’ai éliminé Grenoble parce que je n’aimais pas l’énergie de cette ville, Lyon ne me permettait pas d’être assez proche de la nature, Chamonix était trop touristique. 

Annecy, en revanche, était située dans un bassin d’emploi dynamique et ouverte sur les activités de plein air, un critère important pour moi. En la visitant, j’ai eu un coup de cœur. J’ai su que je voulais y vivre, ça n’a pas été plus compliqué que ça.

Faites votre liste de tout ce qu’il vous faut pour vous sentir bien dans votre mode de vie et rendez-vous sur place pour ne pas vous sentir perdu.e. C’est en se créant des repères qu’on arrive à s’installer et se sentir bien où l’on se trouve, à mon avis.”

Nelsina est partie en repérage avec son compagnon dans un mini “tour de France”, elle aussi avec une liste de critères bien établie. “En visitant et faisant des rencontres, nous avons pu préciser ce qui nous convenait et ce que nous ne voulions pas. Je n’ai pas coché de cases, j’en ai plutôt décoché en fait !”

Climat et saisons

Petit conseil : préférez la période hivernale pour partir en repérage. Selon les endroits, le climat peut varier beaucoup en fonction des saisons. Mieux vaut vous assurer que vous vous y plaisez, même au cœur de l’hiver ! 

De même, attention aux variations d’affluence, surtout dans les zones particulièrement touristiques. Un endroit animé en période estivale peut devenir ville morte en hiver, lorsque toutes les maisons secondaires sont fermées.

Cela ne veut pas dire que c’est rédhibitoire. Mais cela permet de faire un choix en connaissance de cause. 

S’adapter et changer ses habitudes quand on quitte la grande ville

Odessa réfléchit à quitter Paris mais s’interroge sur l’accès aux commerces : “Les épiceries Zéro Déchet sont très généralisées en ville, mais je ne suis pas sûre que ce soit forcément le cas partout à la campagne, et je ne me vois pas revenir en arrière là-dessus”. 

Changer de mode de vie implique aussi de faire certaines choses différemment. Ici, il suffit de regarder le problème sous un autre angle. Ce que Odessa souhaite conserver ici dans son mode de vie, c’est l’accès à des produits bio, locaux, non suremballés. 

Or, non seulement les épiceries proposant ces produits se développent sur tout le territoire, mais habiter en zone rurale permet aussi de se rendre directement chez les producteurs locaux et d’avoir accès à des produits de qualité plus facilement qu’en ville (selon les régions bien sûr). 

Bien comprendre ses besoins et se demander comment les satisfaire autrement, dans un cadre de vie différent, est donc une démarche conseillée. 

“Ici, tout est moins cher, confirme Isadora. Il n’y a pas l’abondance de magasins ou de restaurants qu’il peut y avoir sur Paris, c’est vrai, mais on fait les courses différemment. À moins de 5 km de chez moi, il y a une ferme où j’achète les produits en direct. Je vois comment ils sont cultivés, j’échange avec les producteurs. C’est incomparable.”

“J’ai décidé de m’acclimater à la façon dont les choses fonctionnent en ruralité. Je ne veux pas que la ville vienne à moi, que je me recrée un mini Paris. C’est à moi de m’adapter.” ajoute Nelsina.

Merci à tous les transitionneurs pour le partage de leurs expériences aussi riches que diverses !

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