Afin de vous aider à trouver le job de sens qui est fait pour vous, des heureux travailleurs ont gentiment accepté de partager un bout de leur histoire…
Qui es-tu ?
“Je m’appelle Julia Sassano, je suis animatrice réseau à l’ANDES, l’Association Nationale de Développement des Épiceries Solidaires, créée en 2000. J’accompagne une cinquantaine d’épiceries sur le réseau PACA, Rhône-Alpes et Corse, pour leur faire bénéficier des services proposés par le réseau.”
Qu’est-ce qu’une épicerie sociale et solidaire ?
“C’est un petit magasin où des personnes en difficulté financière peuvent accéder à des produits de qualité contre une faible participation financière tout en bénéficiant d’un accompagnement social.
Les produits y sont vendus entre 10% et 30% du prix du marché. Soutenues par des institutions nationales et locales selon l’implantation des projets menés, les épiceries solidaires touchent à plusieurs thématiques, dont l’aide alimentaire mais aussi la santé, la lutte contre le gaspillage, etc.
Une gamme de produits la plus large possible est proposée, avec des aliments frais, secs, des produits d’hygiène et d’entretien.
Il existe 3 formes d’épiceries :
- Les épiceries associatives, portées le plus souvent par une équipe bénévole. Elles peuvent être présentes en zone urbaine comme rurale. Souvent visibles pour faciliter leur accès, elles peuvent aussi se faire discrètes pour permettre aux bénéficiaires d’y accéder à l’abri des regards.
- Les épiceries itinérantes, qui se déplacent avec un camion d’une commune à une autre. Elles sont présentes dans des secteurs ruraux où il y a peu d’offres d’aide alimentaire.
- Et celles portées par des CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) ou un CIAS (Centre Intercommunal d’Action sociale), installées dans des enceintes municipales, ou dans un local relié directement à la mairie.
Elles sont tenues par des associations, des centres sociaux ou des CCAS qui interagissent directement auprès de la communauté locale en tissant des liens. Ce sont des lieux d’accueil et d’échanges auxquels des acteurs sociaux externes sont liés.
Les clients sont des personnes en situation de fragilité économique : bénéficiaires des minima sociaux, « travailleurs pauvres », familles monoparentales, retraités, intérimaires, étudiants sans ressource. Ils sont orientés vers l’épicerie solidaire par un travailleur social, pour les aider dans leurs démarches administratives d’accès aux droits, au logement, etc.
Afin de favoriser leur autonomie, la durée d’accès est limitée et chacun d’entre eux est accompagné afin de travailler son projet personnel à réaliser durant le temps d’accès à l’épicerie.
Il peut s’agir d’un remboursement de dette, l’achat d’un véhicule ou d’électroménager indispensable pour un foyer. L’économie réalisée sur leur budget alimentaire leur permet de réaliser ce projet. Le but est de les soutenir et de les orienter durant cette période de précarité.
Des ateliers sont proposés au sein des structures, pour améliorer le quotidien des bénéficiaires et lutter contre l’isolement social. Il s’agit de jardinage, de cours de cuisine en famille ou d’informatique, de sensibilisation au tri, des loisirs créatifs ou d’une aide pour réaliser un CV. »
À quels enjeux l’ANDES répond-elle ?
“En France, les différences de niveaux de vie s’écartent entre les plus aisés et les plus fragilisés. En 2017, 1 français sur 4 n’arrive pas à boucler ses fins de mois.
Depuis le début de la crise sanitaire, le nombre de personnes en précarité est passé de 5,5 à 8 millions, et les étudiants représentent un des publics les plus impactés par cette crise.
La hausse des besoins a été particulièrement forte, ayant une répercussion directe sur la fréquentation des épiceries solidaires de l’ANDES. Cette dernière a augmenté de 39% durant le premier confinement en 2020, par rapport à la même période l’année précédente. Sur cette même année, nous avons également constaté une hausse de fréquentation de 20% en moyenne.
Au niveau national, le réseau rassemble plus de 480 épiceries et près de 200 projets d’accompagnement à la création de nouvelles épiceries sur l’ensemble des régions. Notre objectif est de les accompagner au mieux en leur proposant divers services : des formations adaptées, des partenariats utiles, des subventions, des outils adaptés, des bons plans locaux, des bonnes pratiques issues de structures voisines…
Le réseau coordonne aussi les activités de quatre chantiers d’insertion ayant pour objectif de fournir des fruits et légumes aux épiceries solidaires du réseau en revalorisant des produits invendus issus des marchés d’intérêt nationaux où ils sont implantés (à Marseille, Rungis, Lille et Perpignan). Ils fournissent aussi d’autres acteurs de l’aide alimentaire : Il y a aussi d’autres organismes dans l’aide alimentaire comme la restauration solidaire, la distribution de colis alimentaires ou de repas gratuits, etc.
Ces structures favorisent ainsi l’insertion de personnes éloignées de l’emploi chaque année et luttent contre le gaspillage alimentaire.
Les principes clés sont de :
- Proposer des produits variés et de qualité, en libre-service.
- Créer du lien social dans un espace chaleureux et convivial.
- Impliquer les clients bénéficiaires et les accompagner avec bienveillance dans leurs projets.
- Garantir la traçabilité des produits et la sécurité alimentaire. »
Comment les épiceries sont-elles approvisionnées ?
“Pour la gestion de l’approvisionnement, il faut d’abord connaître le nombre de personnes accueillies par une structure. Ensuite, mettre celle-ci en relation avec des partenaires solidaires, qui donnent ou vendent des produits à bas coût, afin d’avoir un stock pertinent.
L’approvisionnement vient en grande partie de dons (de grandes surfaces, d’agriculteurs, de particuliers… ) mais aussi d’achats peu onéreux auprès de partenaires associatifs et de grossistes. L’enjeu actuel est de pouvoir garantir un approvisionnement suffisant et de qualité.
Nous avons différents partenaires, au niveau national et local. Par exemple, certaines entreprises nous apportent une aide financière, nous permettant d’acheter des produits ou proposer des enveloppes financières aux épiceries solidaires. Localement, des structures telles que les banques alimentaires, l’Agence du Don en Nature ou Dons Solidaires distribuent à faible coût des produits aux épiceries.”
Quel a été ton parcours ?
“J’ai fait un master en expertise internationale à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix en Provence puis un master 2 “urbanisme et aménagement territorial option environnements urbains” à l’École d’Urbanisme de Paris. J’ai ensuite rejoint en 2018 l’ONG SEED, Solidarity Equity Empowerment Development, en tant que coordinatrice de projet.
Créée par d’anciens étudiants de mon école, cette ONG française de solidarité locale et internationale développe des actions d’urbanisme participatif et d’architecture en France, en Amérique latine, en Afrique, au Liban et aux Philippines, où j’ai réalisé mon stage de fin d’études.
Ces actions visent à impulser de nouvelles dynamiques d’aménagement en prenant à partie les usagers et en les intégrant dans la démarche de co-construction.
Ensuite, j’ai travaillé pendant un an comme chargée de projet avec Les jardins du Ruisseau. C’est l’un des plus vieux jardins partagés de Paris, qui œuvre sur de nombreuses thématiques (environnement, pédagogie, accès à la culture…). J’ai mené des études, réalisé des diagnostics de territoire et réuni des architectes pour créer une serre verticale dans un square inutilisé par la mairie, afin d’en faire un lieu de transmission de pratiques agricoles innovantes et vertueuses.
A la fin de cette mission, en novembre 2019, je suis partie 2 mois en Argentine avec SEED, pour une mission de bénévolat d’auto-construction écologique et solidaire afin de réhabiliter des logements de personnes précaires.
A mon retour en France, j’avais plusieurs casquettes, grâce à mes différentes expériences qui m’ont permis de savoir dans quels secteurs je voulais travailler. Ce qui me plaisait, c’était de créer des liens directs avec les acteurs locaux et faire émerger des projets intelligents avec un volet environnemental fort.
Alors que j’étais en recherche d’emploi, j’ai réalisé un service civique de 6 mois comme ambassadrice pour la valorisation et la préservation des patrimoines des Alpilles dans le Parc naturel régional, près d’Avignon. Cette structure me plaisait car elle réunissait tous les éléments qui m’intéressaient : l’aménagement du territoire, lié de près aux questions environnementales et de production alimentaire.”
Peux-tu nous parler de ton poste à l’ANDES ?
“J’ai trouvé par hasard une offre du réseau ANDES, sur le site du groupe SOS. Ce groupe associatif est l’un des plus gros recruteurs de l’ESS. Il rassemble plus de 600 établissements en France et agit aussi à l’international.
Cela fait un an et demi que j’ai rejoint ce réseau. J’ai commencé sur un poste de remplacement qui s’est transformé en CDI. Je connaissais déjà un peu la structure et le secteur dans lequel elle œuvrait, par un ami.
Mon rôle principal est d’animer le réseau Sud-Est, composé de 50 épiceries. Celles-ci sont indépendantes, mais bénéficient grâce à l’ANDES de formations et de diagnostics pour améliorer leur fonctionnement (gestion, approvisionnement, équipe, subvention…).
Pour fédérer les épiceries entre elles, j’organise des rencontres, par secteur ou type de structure par exemple. Le but est de partager les différents modes de fonctionnement, de favoriser l’échange et l’entraide au sein du réseau. En quelque sorte, je suis facilitatrice de projets, en interne et en externe des épiceries.
J’analyse leurs besoins et développe leurs partenariats avec d’autres structures associatives du territoire. Le réseau est important car il permet de rendre visible l’activité globale des épiceries, à l’échelle locale et nationale.”
Qu’est-ce que tu apprécies dans ton métier ?
“Ce que j’aime le plus dans mon quotidien, c’est la diversité. Mes journées ne se ressemblent pas car les acteurs que je rencontre sont tous différents. C’est très enrichissant et c’est pour cela que mon travail me plait beaucoup.
Le fait d’être autonome est aussi très agréable. Je travaille de chez moi, je m’organise comme je veux en priorisant mes actions et je crée mon propre emploi du temps.
La mobilité me plaît également, car je visite beaucoup de structures et me rend compte des diversités et différences territoriales. J’agis directement auprès des épiceries, en réfléchissant à des problématiques pour optimiser leur aménagement ou leur lien avec des partenaires par exemple.
Ce rythme de vie demande beaucoup d’organisation, entre l’autonomie et les déplacements. Il faut savoir gérer son temps personnel et professionnel. Lorsque nous faisons face à des situations délicates, nous pouvons compter sur le soutien de nos collègues qui partagent leur expérience.
Nous sommes neuf animateurs permanents en France, et une équipe au siège qui travaille sur des sujets transverses. Nous faisons régulièrement des réunions pour partager nos projets et nos bonnes pratiques. Chacun a sa vision du métier, ce qui est très riche. L’autonomie peut être un avantage comme un inconvénient, mais une chose est sûre, le collectif permet de se rebooster de temps en temps !
L’ANDES étant une association, les salaires y sont moins élevés que dans le privé. Actuellement, j’ai un niveau de rémunération qui convient à ma situation et mes besoins.
D’ici fin 2022, nous prévoyons d’arriver à 70 épiceries sur mon secteur. Le nombre grandissant, nous prévoyons de recruter quelqu’un pour m’épauler sur certains projets et gérer mon réseau plus aisément.”
Quelles sont les compétences à avoir pour ce métier ? As-tu suivi des formations ?
“En termes de compétences, je pense que le savoir être est aussi important que le savoir faire : pouvoir s’adapter et rebondir sur les problématiques, être ouvert et curieux. Je suis quelqu’un de dynamique, qui a beaucoup d’idées avec plusieurs expériences professionnelles en autonomie, donc je pense que cela leur a plu.
Pour le savoir faire, il faut être carré et clair avec une bonne organisation, savoir dialoguer et créer des liens avec les structures pour qu’elles aient confiance en nous durant l’accompagnement, mais aussi avec d’autres acteurs (associatifs, institutionnels).
Je ne viens pas directement du secteur alimentaire, mais je connaissais ce milieu par mes expériences en bénévolat dans des structures d’aide alimentaire. Ne pas avoir travaillé dans ce domaine n’a donc pas été un frein à l’embauche.
J’ai été formée par la personne que je remplaçais, ce qui m’a permis d’avoir une visibilité plus directe sur le poste. Mes collègues m’ont également beaucoup apporté. Nous avons aussi une responsable d’équipe, basée au siège à Paris, avec qui je fais des points réguliers et qui m’accompagne.”
Comment te projettes-tu ?
“Je suis plutôt quelqu’un qui vit au jour le jour. Mais selon le développement de l’ANDES, je pourrai y rester en évoluant sur mon secteur et mes missions.
Si l’association grandit, j’aimerais manager des équipes ou former des collègues sur certaines thématiques. Le volet partenariat me plaît aussi beaucoup, savoir tisser des liens, développer des projets avec d’autres structures et mutualiser les savoir-faire.
A plus long terme, j’aimerais développer un projet local en créant une structure autour d’un écosystème avec plusieurs pôles, dont une épicerie solidaire par exemple. C’est un modèle qui fonctionne bien. Un de nos projets en 2022 est d’expérimenter la mixité de publics dans quelques épiceries solidaires du réseau. L’idée est d’ouvrir les portes à des clients solidaires, comme c’est le cas des épiceries anti gaspi comme NOUS ou Episol. Le but sera d’accompagner les épiceries dans ce changement de fonctionnement, en leur proposant un accompagnement adapté à chacune et qui prendra en compte les spécificités territoriales.”
Un grand merci, Julia, pour ton témoignage !