Quel est l’impact du Covid-19 sur l’emploi dans la transition écologique ?

les impacts du Covid sur les emplois de la transition

Plan de l'article

En cette période de crise sanitaire, les chercheurs d’emploi dans les secteurs à impact ont de nombreuses interrogations. Pour y apporter des réponses objectives, je suis allée questionner notre réseau d’experts du secteur de la transition écologique et sociale (ESS, DD, RSE..). Ils vous partagent ici leur vision des impacts du Covid-19 sur l’emploi et les recrutements.

Caroline Renoux, CEO de Birdeo - Cabinet de recrutement RSE/DD

Caroline Renoux

CEO de Birdeo – cabinet de recrutement RSE/DD

Jean-Philippe Teboul, Directeur d’Orientation Durable - Cabinet de recrutement ESS

Jean-Philippe Teboul

Directeur d’Orientation Durable – Cabinet de recrutement ESS

Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France

Flore Berlingen

Directrice de l’association Zero Waste France

Olivier Perrin

Coach et responsable Paris de Nicomak – cabinet de conseil RSE

Célia Rennesson

Directrice de Réseau Vrac – association des professionnels du vrac

L’impact du Covid-19 sur l’emploi dans la transition écologique et solidaire

Une reprise progressive des secteurs à l’arrêt pendant le confinement

« Sans surprise, les activités qui ont du s’arrêter pendant le confinement sont en grande difficulté : l’événementiel (dont les ateliers de formation et sensibilisation), chaque étape du réemploi (collecte, réparation, revente de produits de seconde main) … Les structures comme les ressourceries, recycleries ont des perspectives de reprise très progressives. Pour le moment les embauches sont suspendues et il y a clairement des postes en moins.»  commente Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France.

« Pourtant il y a beaucoup d’offres d’emploi. Même pendant le confinement, les processus de recrutement ont perduré. Les pratiques se sont adaptées à ces circonstances particulières. Il n’est pas nécessaire de se dire « je reporte mon projet d’un an. » Nous justement on recrute [chez Zero Waste France] ! » >> voir les offres <<

Une des règles que j’ai apprise en travaillant avec Flore : « la peur ne doit jamais être un moteur pour prendre des décisions ». Repérez donc les opportunités et construisez vos projets dessus.

Une reprise progressive des secteurs à l'arrêt pendant le confinement
Crédit photo : lucas lawUnsplash

La vente en vrac, un secteur qui se maintient malgré la crise

Parmi les secteurs qui se maintiennent : la vente en vrac. Secteur que j’affectionne particulièrement. Pour ceux qui ne m’auraient pas encore entendue radoter sur le sujet, accompagner les projets d’épiceries vrac m’a occupé pendant plusieurs années. C’est donc avec plaisir que je donne la parole à Célia Rennesson, avec qui j’ai co-fondé Réseau Vrac qu’elle dirige aujourd’hui.

« La filière a été très mobilisée dès le début, consciente qu’il ne fallait pas renoncer à donner accès à une consommation responsable, même en temps de crise. Il faut continuer à lui faire confiance tant que la crise dure et il sera indispensable de maintenir ce choix de consommation durable et éthique à l’avenir.

Quelques chiffres : 97% des magasins vrac ont maintenu leur activité de vente. Une stabilité globale du chiffre d’affaires pour les commerces spécialisés vrac malgré des disparités entre les magasins (par rapport à l’année précédente) : 40% ont vu leur CA augmenter, 20% sont stables et 40% sont en baisse.« 

En parallèle du vrac, on retrouve des échos encourageants du côté des circuits courts. Ces dernières semaines ont donné naissance à de nouvelles initiatives en plus du développement des existantes.

L’exemple de MIL Perche, ce Marché d’Intérêt Local regroupant des producteurs du Perche, fournissait avant la crise la restauration professionnelle. La fermeture des restaurants et des cantines les a amenés à se tourner vers les particuliers qui ont joyeusement répondu présents. Un important afflux de demandes et en conséquence un chiffre d’affaires gonflé sur mars-avril. Les épiceries avaient continué à commander à un rythme soutenu et les producteurs ont réussi à répondre à la demande (malgré une baisse de main d’œuvre).

J’ai demandé à Clémence Berlingen, chargée de projet pour MIL Perche, si elle pensait que cela allait se pérenniser et créer des emplois : « Il est un peu tôt pour le dire. Il y aura forcément une baisse des commandes avec le déconfinement, mais il y aura eu des déclics pour beaucoup qui amèneront à moyen terme une évolution des modes de consommation. Pour toucher tout le monde, il y a beaucoup d’éléments à penser, y compris les prix. Aujourd’hui, une partie des produits du catalogue sont très accessibles, d’autres un peu moins… »

Des missions reportées mais un engouement prometteur pour le télétravail

Hélas cela n’a pas été rose pour tout le monde nous témoigne Olivier Perrin, coach et responsable Paris de Nicomak, cabinet de conseil RSE : « Dans un premier temps, nous avons reçu beaucoup de demandes de reports de formations. Pas de « nous ne ferons pas » mais « nous ferons plus tard ».

Sauf que tout le monde veut reporter à la rentrée donc nous ne pourrons pas assurer toutes les formations concentrées en septembre-octobre… Quelques-uns ont accepté de conserver les sessions… en visio. Et cela a été très positif car les participants étaient ravis de retrouver leurs collègues dans ce contexte d’éloignement.

L’indicateur fort à retenir est que la visio peut marcher et donc favoriser de manière globale le télétravail. Cela impliquera d’adapter les missions des managers autour de questions comme : comment manager son équipe à distance ? La confiance est indispensable dès lors qu’on ne se voit pas travailler, mais clairement, cela peut fonctionner. »

Cas particulier du recrutement chez les acteurs publics : « Il y a eu les premiers recrutements en distanciel, notamment pour les écoles de formation initiale de la fonction publique. Par exemple, l’Ecole des Ponts ou l’INP (Institut National du Patrimoine) qui forme les conservateurs de musée notamment. Les prises de poste étaient prévues pour septembre, il fallait donc assurer les sélections en amont. Elles étaient nécessairement en distanciel, il fallait s’adapter et cela a fonctionné, tout simplement. »

L’indicateur fort à retenir est que la visio peut marcher et donc favoriser de manière globale le télétravail.
Crédit photo : Dylan FerreiraUnsplash

Grandes entreprises : celles déjà engagées dans le développement durable vont poursuivre

Caroline Renoux, CEO de Birdeo, cabinet de recrutement RSE/DD note que « du côté des grandes entreprises qui s’engagent dans le développement durable, 2019 aura vraiment été un point de bascule. Le sujet prend une ampleur très forte. Il n’y a plus un journal qui ne mentionne pas les changements climatiques ou les entreprises à mission grâce à la Loi Pacte.

Puis il s’est passé l’impensable. Et cette crise a balayé tous les projets. Dans les réactions de nos clients se retrouvent 3 cas de figure : « On arrête le mandat pour l’année », « On attend de voir la suite pour décider », « On continue ». Cela devrait repartir assez vite, mais pas autant qu’avant. Les entreprises positionnées sur le sujet vont continuer à fond mais celles qui démarraient à peine leur démarche risquent de lâcher.

Les recrutements en cours ont continué, les entretiens ont eu lieu en visio » (lire les conseils de Caroline pour réussir son entretien en visio).

Une demande croissante pour adapter les emplois aux enjeux de transition

« Ce qui est probable c’est que les personnes en poste vont plus hésiter avant de bouger. Echos positifs chez les directeurs développement durable : des collaborateurs demandent à être formés sur les enjeux. Cela signifie qu’ils souhaitent intégrer les enjeux en restant sur leurs métiers. Ex : logistique, achats, événementiel…

C’est un signal très positif. Le but n’est pas de multiplier les postes en développement durable, mais bien d’adapter chaque métier de l’organisation, pour qu’ils prennent en compte les nouvelles règles du jeu. » conclue Caroline Renoux.

Les acteurs de l’ESS vivant de subventions s’en sortent mieux que les autres (pour le moment)

Pour Jean-Philippe Teboul, directeur d’Orientation Durable , cabinet de recrutement ESS, « la grille de lecture pour les acteurs ESS est, et probablement restera, autour de leur dépendance aux marchés.

Sur le court terme, sans surprise, nos clients vivant de subventions ou d’accords à l’année tiennent debout, mais c’est beaucoup plus dur pour les acteurs de l’insertion et les coopératives qui sont sur un marché concurrentiel.

Sur le moyen long terme, j’ai peur du contraire. Qu’au moment des discussions sur les subventions 2021 aux associations, celles éloignées du Covid-19 ou de la grande précarité se voient sucrer les fonds.« 

Moins de financements entrainera une baisse des recrutements et, nous ne l’espérons pas, une réduction des postes. Avec une reprise d’activité grâce au déconfinement nous vous invitons bien sûr à réaliser vos achats chez Envie (électroménager remis à neuf), Label Emmaüs (mobilier de seconde main), Recyclivre (librairie d’occasion), etc.

la grille de lecture des impacts pour les acteurs ESS est et probablement restera autour de leur dépendance aux marchés.
Crédit photo : lucas lawUnsplash

Et du côté des candidats, quel impact chez ceux en quête d’un emploi dans la transition ?

Une appétence plus forte pour les sujets d’économie sociale et solidaire

« Une vague que je n’avais pas vu venir de messages LinkedIn « Ah bah avec la crise j’imagine que les recruteurs de l’ESS ont ENFIN compris que c’était mon profil qu’il leur fallait ! » 

Plus encourageant, nous n’avons jamais eu autant de candidatures de très haut niveau dans l’association pour la promotion d’un revenu universel mondial, dans laquelle je suis bénévole. Il y a une appétence beaucoup plus forte pour les projets systémiques : un espèce de « tout est possible », un « tout doit être envisageable puisque nous n’avons pas le choix  » … «  témoigne Jean-Philippe Teboul.

…parfois motivée par des tensions exacerbées par la crise avec l’employeur

Chez Mon job de Sens, nous avons bien sûr reçu beaucoup de messages pendant cette période. Notamment des témoignages de personnes dont les relations avec l’employeur se sont tendues, comme celui-ci : « Ils m’ont demandé de venir au bureau alors que mon métier est compatible avec du télétravail et que nous ne sommes une entreprise de première nécessité. J’ai été choquée, déçue. Cette entreprise familiale que j’aimais me mettait volontairement en danger. Je me suis sentie trahie, j’ai décidé d’en partir. »

Comme le répète inlassablement Caroline Renoux (qui a baissé le prix de son livre Comment faire carriere dans les metiers de la rse et du developpement durable à 6€ en ebook pour être accessible au plus nombre), « les recruteurs recherchent des profils avec des compétences. Qui sachent exercer un métier. La connaissances des enjeux de développement durable est essentielle, c’est un pré-requis, mais c’est de la culture générale. Plus qu’une formation RSE, il vous faudra lire, écouter, rencontrer… ».

Si vous vous formez c’est donc pour apprendre le METIER de responsable RSE : intégrer les enjeux dans la stratégie de l’entreprise, coordonner les actions menées dans chaque service (de la logistique aux achats en passant par la communication), gérer la publication du rapport DD annuel, peut-être la réalisation d’un bilan carbone, etc. Pour avoir exercé moi-même ce métier (chez Alinéa, l’enseigne de mobilier et décoration), il y a des facettes que j’ai adoré comme mobiliser les gens sur un sujet et d’autres beaucoup moins, comme rédiger le rapport DD …

Crédit photo : Colin DUnsplash

Au delà des emplois, quels impacts sur la société de la transition ?

Des signes encourageants pour la transition

« Nous avons maintenant la preuve que nous sommes capables d’arrêter du jour au lendemain toutes les activités économiques quand des scientifiques annoncent un risque mondial majeur. Pourquoi ne pas faire la même chose pour le climat ? interroge Olivier Perrin. Hélas, avec la reprise, tout le monde a repris sa voiture.

Parmi les germes de bonnes nouvelles : nous avons renoué avec le local et le fait maison. Dans les magasins, ce qui était en pénurie c’était la farine pour faire des pâtes, du pain. Et pareil pour le chocolat pâtissier. Les citoyens se sont repris en main, c’est un signal encourageant. Nous en sommes capables. »

Mais des avancées écologiques à protéger plus que jamais

Flore Berlingen nous alerte : « Attention au retour du jetable !!! Évitez de tomber dans ces discours simplistes : jetable n’est pas synonyme d’hygiène ! (lire son article « Déconfinement : le recours massif au jetable ne doit pas être l’unique proposition »)

Une vision pessimiste serait un retour en arrière, une remise en question des avancées des cinq dernières années. Nous avions obtenu de hautes luttes des progrès énormes et la crise sanitaire les balaie en quelques semaines. Le but en ce moment est de ne pas trop perdre de terrain.« 

La transition, le confinement : oui, mais sans culpabiliser !

C’est à Olivier Perrin, avec sa casquette de coach, que nous laissons la conclusion, avec la bienveillance qui le caractérise : 

« Nous avons pu assister, dans le discours médiatique, à une injonction à réussir son confinement. En plus de subir une crise et d’être inquiets pour ses proches, il fallait non seulement RElire Proust, mais méditer, jardiner, faire du sport tous les jours et cuisiner des bons petits plats. 

J’ai eu l’occasion d’échanger avec des parents épuisés qui me disaient avoir passé deux mois à essayer de cuisiner 3 repas sains, variés et équilibrés à toute la famille, chaque jour, 7j/7. Et à cela, leur a été ajoutée la culpabilité de ne pas profiter de leur temps libre. J’ai envie de dire à toutes ces personnes, lâchez-vous enfin un peu la grappe ! » 

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